06/04/2008
Vendredi saint et le solstice de printemps, ou comment la croix de Jésus qui buvait du coca-cola fit cuire les aliments de la fete du solstice (1/4)
Anita me propose d´aller a Otavalo et San Antonio d´Imbarra. Hop, ses deux filles suivent, la très chipie Rafaela, et la très grande Omi. Petite escale dans le centre de Quito pour voir la procession. José m´a dit qu´il y a plein de “caricatures théâtrales” qui défilent ce jour-la. On s´approche près de la cathédrale et on arrive a se faufiler devant la foule. On s´infiltre dans une étroite file qui circule dans le sens de la procession. A partir de la, pas possible de faire marche arrière ni quoi que ce soit, il faut suivre le mouvement rapide, et surtout faire très attention aux nombreuses mains qui se baladent dans tous les sens. Il y a une foule de pénitents… violets! C´est pop les processions ici. Aussi, il y a plein Jésus habillés en blanc, des grands et des petits, qui portent, assistés de quelques volontaires, des croix en bois. A coté de nous, il y a un Jésus a la peau caramel foncée et au visage mince qui bénéficie de toute mon attention. L´expression de ses yeux ronds, avec sa perruque de longs cheveux noirs hirsutes qui lui dégringolent jusque sur la moitié du front, me paraissent tout a fait digne d´intérêt. Et devant nous, il y a un petit Jésus d´environ 12 ans, avec une perruque bouclée, à qui on a grossièrement peint une fausse barbe sur les joues. La procession marche, puis s´arrête, et chacun remonte sa croix. Les gardes avec des casques en carton font la place en criant très fort sur un ton menaçant, et la procession reprend. Les curieux se mélangent aux visages fervents, et aux pique-pocket. Le clou du spectacle, c´est lorqu´une femme a l´expression pieuse tend un verre de coca-cola a Jésus. Elle ne le lâche pas du regard et ses yeux semblent dire “Oh, pauvre Jésus” pendant qu´il engloutit son soda.
A Quito, on ne rigole pas pour la semaine Sainte. La municipalité de Quito, via le service culturel, n´a pas dépensé moins de 300.000 dollars… rien que pour la messe, pour faire venir des prêtres et des chorales européennes. Je ne parle pas de tout le reste de la semaine, avec des concerts religieux de chorales étrangères dans toute la capitale. La ville de Quito, oui, vous avez bien lu. Que l´Eglise et l´État ne soient pas séparés, et que la religion soit subventionnée par la culture, pourquoi pas, ça, c est chaque pays qui décide. Ce qui est choquant, c´est que, pendant ce temps-la, les Indiens pour qui, a cette même époque, le solstice de printemps est aussi une fête sacrée, et bien les Indiens devaient aller se faire cuire un oeuf… avec 4000 dollars pour une grande Patchamanca* qui s´est déroulée le lendemain au Panecilio. Pour tous les Indiens de Quito, vous imaginez ce que ça représente. Rien. Et encore le responsable s´est battu pour obtenir cette modeste somme… qui, finalement, a été supprimée et allouée pour l´urgence des dégâts causés par les grandes inondations de ces deux derniers mois. En somme, les Indiens se sont retrouvés avec zéro patates pour leur Patchamanca de Printemps, tandis que les chorales viennoises chantaient Bach dans toute la ville. José était outré, et a raison, il a dit “que la culture paye des messes, soit, mais moi je paye mes impôts et le christianisme ne signifie rien pour moi, alors que la culture paye aussi pour ma culture!”. Les Indiens devaient donc chacun amener de la nourriture pour le solstice. Mais l´information n´avait pas circulé, et 500 Indiens se sont retrouvés au Panecilio sans rien à manger, ni bois pour chauffer les pierres. Alors chacun s´est collé a son portable, pour appeler qui la femme, qui, le frère, et faire apporter des patates, des fèves, et tout le nécessaire pour la Patchamanca. Un touriste autrichien qui se trouvait la par hasard, a aidé les Indiens aux préparatifs de la fête. Une équipe s´est organisée pour aller glaner du bois. Aussi, une grosse croix en bois fraîchement plantée a la suite de la procession de la veille, fut proposée par un Indien comme combustible. Les Indiens discutèrent d´abord entre eux pour savoir s´il était convenable ou non de brûler la croix, et finir par se mettre d´accord que la croix était un instrument de torture qui avait non seulement servi a tuer Jésus, mais énormément de gens de son époque. Par conséquent, il était bon de brûler cet instrument de torture. Les aliments purent ainsi cuire dans la terre, recouverts de pierres chaudes chauffées dans le feu. Voici comment les 500 Indiens réunis au sommet du Panecilio fêtèrent le solstice du printemps et comment la croix de Jésus, qui buvait du coca-cola, fit cuire les aliments de la fête du solstice du Printemps.
*patchamanca: tradition qui consiste à faire cuire des aliments dans la terre, représentant le principe féminin. Les aliments sont recouverts de pierres chauffées dans un feu, qui repésente le principe masculin. La Patchamanca peut se faire pour des occasions très diverses.
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